Joyeux anniversaire
C’est mon anniversaire le 17 avril prochain. J’en profite pour fouiller mon journal des dernières années. J’y écris depuis l’été 2010, le plus souvent, des banalités. Au début, c’était un journal de désirs, car j’y écrivais sur ce que j’espérais un jour réaliser. J’aime lire ces pages et voir le chemin que j’ai parcouru. Avec le temps, j’y écris de moins en moins souvent et ces pages sont couvertes de quelques réflexions superficielles et des notes sur mes activités des semaines qui viennent de passer.
27 avril 2011 : Je suis à Saint-Jean-Port-Joli avec mes amis de littérature! Lann, Myriam, Jérémi, Soline, David, Olivier… et moi. C’est ma fête! Nous dansons.
17 avril 2012 : Aujourd’hui, j’ai 22 ans. Voilà. Je peux dire que j’ai eu une belle soirée hier, avec le lancement de Fermaille IX. Pour une fois, je ne regrette rien.
17 avril 2013 : Je crois que la crise qui accompagne cet anniversaire est beaucoup moins pire que celle qui a accompagné celle de mes 22 ans. En avril passé, je voulais avoir 18 ans. Cette année, mon âge me plait. Surtout que je me permets finalement d’agir comme une adolescente.
17 avril 2014 : Je continue à apprendre, je suis prête à donner, je partage de mieux en mieux. Je suis impermanente. J’ai la force de mordre, mais je choisis la caresse. Je n’ai pas peur de laisser derrière moi certaines armures. Je me contiens mieux. Je sais où mettre le feu, car, oui, j’ai une personnalité de feu. Je réalise que ce n’est pas seulement détruire, c’est aussi illuminer et réchauffer et activer.
20 avril 2015 : C’était la fin de semaine de ma fête, j’ai vu plein d’amis et je suis heureuse. J’ai aussi pleuré beaucoup, il me semble. La fatigue?
17 avril 2016 : Bon matin de mes 26 ans! Rien a signaler, rien ne me semble neuf.
10 avril 2017 : On ne peut pas dire que je suis souvent dans mon journal… Il y avait une telle urgence, avant, de tout garder sur papier. Mais quelque part, je pense que ça ralentissait mon avancée dans ce que je désirais vraiment. Qu’est-ce que je désire vraiment?
19 avril 2018 : Les deux derniers jours étaient déprimants. Je veux pleurer, je n’ai pas de larmes ce matin, je veux me brasser comme un arbre après la pluie, faire tomber les dernières gouttes des feuilles, les laisser au vent.
17 avril 2019 : En plus d’être faible, j’ai honte, je suis stressée, j’obsède sur ma condition [une faiblesse du système immunitaire provoquée par le deuil]. Au moins, cette année, je ne suis pas trop déprimée. Je suis chez moi, je suis bien entourée et j’ai la vie que je veux. Je devrais sans doute me concentrer là-dessus.
16 avril 2020 : C’est le dernier jour de ma vingtaine et nous sommes toujours en confinement. 18 avril 2020 : J’ai passé une très belle journée hier. J’ai pleuré quelques fois. Je me sentais si bien entourée. C’était ma plus belle fête.
25 avril 2021 : Je sors un peu de la crise, c’est-à-dire que j’arrive de plus en plus à être rationnelle. J’ai arrêté de pleurer et de trembler constamment. J’ai retrouvé des portes vers ma joie, principalement à travers les gens que j’aime et qui m’aiment.
Rien en avril 2022.
10 avril 2023 : Une semaine avant ma fête. Un bon moment pour accumuler des expériences, des souvenirs, essayer de nouvelles choses. Je sens que j’approche d’une transformation.
10 mai 2024 : Je n’ai pas fêté beaucoup mon anniversaire. J’ai accumulé beaucoup de fatigue, mais j’ai réussi : J’ai déposé ma thèse, j’ai fait les Francouvertes. La vie ne change pas aussi vite que j’aurais voulu, je dois d’abord me remettre de tout ça. Vivre cette transition un jour à la fois.
2025
Honnêtement, ces pages me rendent triste. Je n’ai retranscrit que les passages qui parlent rapidement de mon anniversaire, mais ils sont souvent accompagnés de mentions des gens que j’ai perdus, des maladies des gens que j’aime, de ma rage de vivre qui s’essouffle, d’épuisement, de désir de mourir.
J’imagine que je devrais me concentrer sur ma résilience. Je suis encore ici. Je suis la même personne. Je danse, je ne regrette rien, je vis une crise, j’apprends, je pleure, je suis stressée, je suis bien entourée, je trouve des portes vers ma joie, je veux vivre de nouvelle chose, j’appelle une transformation.
Mais si je suis encore la même, si je répète encore et encore la même chose… Puis-je vraiment appeler cette transformation? Est-ce que je la désire vraiment?